Olivier TANGHE (vétérinaire) : « notre difficulté est l’accès aux commémoratifs »

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Diplômé en 1994, Olivier Tanghe est aujourd’hui vétérinaire en Vendée, où il s’est installé en 2001. Dans cette interview, il se confie sur sa relation avec la rurale, sur sa vision de la pratique vétérinaire et sur ses attentes face à la digitalisation du métier.

 

QUESTION

Vous avez commencé votre carrière en tant que vétérinaire canin. Comment en êtes-vous venus à vous consacrer davantage à la rurale ? 

{ Olivier Tanghe } Mon appétit pour la rurale a augmenté au fil du temps. Je crois que la relation qui se noue entre les éleveurs et les animaux, d’une part, et entre l’éleveur et le vétérinaire d’autre part, correspond davantage à ce que j’ai envie de vivre aujourd’hui, en tant que vétérinaire. C’est aussi très personnel, j’ai la sensation d’avoir plus les pieds dans les bottes quand je suis en rurale. Par exemple, lorsqu’un éleveur m’appelle au milieu de la nuit, c’est parce qu’il y a une véritable urgence médicale pour l’animal. S’il y a un vêlage à faire : c’est maintenant ! La relation avec les éleveurs est aussi plus exigeante, car elle doit tenir compte de la dimension économique de l’élevage. Le conseil apporté par le vétérinaire rural est soumis à de forts enjeux.

 


« Nous avons encore du mal à faire reconnaitre notre apport sur notre mission de santé publique. »


 

QUESTION

Pour vous, quelles sont les trois missions du vétérinaire rural ?

{ Olivier Tanghe } La première est de poser un diagnostic vétérinaire, pour soigner un individu ou au moins le soulager. La deuxième mission du vétérinaire rural est de soigner le troupeau. On passe alors de l’individu à l’échelle de l’élevage, en apportant du conseil et en se concentrant sur la résolution de problèmes. Cette deuxième mission est plus longue à mettre en place, mais elle place véritablement le vétérinaire rural en tant que partenaire de l’éleveur. Enfin, selon moi, la troisième mission est de santé publique. Aujourd’hui, c’est le vétérinaire qui contrôle toute la chaîne, de la fourche à la fourchette… En s’occupant des troupeaux de vaches laitières ou allaitantes, on s’occupe naturellement de la qualité du lait et de la viande. Pourtant, et je le regrette, nous avons encore du mal à faire reconnaitre notre apport sur cette dernière mission.

 

QUESTION

Que vous manque-t-il aujourd’hui pour mener à bien ces trois missions ?

{ Olivier Tanghe } Notre première difficulté est d’accéder facilement et instantanément aux commémoratifs avant la consultation animale. De leur côté, les élevages se sont fortement digitalisés : les éleveurs s’appuient de plus en plus sur des outils connectés pour les aider à optimiser leur activité, comme des robots de traite, des colliers de mesure de la rumination ou des dispositifs de détection des chaleurs… Tous ces outils génèrent énormément de données. Cependant, du côté des vétérinaires ruraux, nous n’avons pas évolué aussi vite.

Cela occasionne un vrai décalage dans notre relation à l’éleveur. Pour mes ordonnances, par exemple, je suis encore à l’âge de pierre avec mon cadencier papier ! Sans parler du travail de saisie qu’il faut faire de retour au cabinet, pour alimenter notre logiciel de gestion vétérinaire et facturer l’éleveur. Les secrétaires courent après les vétérinaires à la fin du mois pour récupérer tous les documents… bref, c’est un bazar sans nom. Si nous avions sur nous une application digitale capable d’envoyer toutes les données de consultation directement au cabinet vétérinaire, avant même de fermer le coffre de la voiture… alors ce serait une vraie avancée.

 


« L’accès aux données de l’élevage sont indispensables pour faire correctement notre métier de vétérinaire rural »


 

QUESTION

Si je comprends bien, la problématique se situe davantage dans l’absence d’outils adaptés à la pratique vétérinaire que dans les données à proprement parler.

{ Olivier Tanghe } Ce ne sont effectivement pas les informations qui manquent, mais il y a sans doute aussi un travail à faire sur l’homogénéité des outils connectés utilisés par la filière de l’élevage, ainsi que sur la centralisation et la mise à disposition des données. Après, on s’adapte. Comme je connais bien mes éleveurs, j’utilise leurs codes avec leur accord pour accéder à leurs données, mais cela ne devrait pas fonctionner ainsi. Nous, vétérinaires ruraux, devrions pouvoir les consulter plus facilement pour avoir une bonne vision de l’élevage avant nos visites. Je dirais même qu’elles nous sont indispensables si nous voulons faire correctement notre métier de vétérinaire. Au lieu de ça, nous sommes confrontés à une grande attente des éleveurs en matière de conseil, sans avoir vraiment les moyens d’y répondre convenablement.

 

QUESTION

Vous avez réussi à établir une véritable relation de confiance avec les éleveurs. Comment cela se traduit-il dans votre quotidien ?

{ Olivier Tanghe } C’est important pour moi de créer une relation durable avec les éleveurs. En les suivant dans le temps, plutôt qu’épisodiquement, je peux jouer plus facilement mon rôle de conseil. Cela passe par une contractualisation avec les clients qui le souhaitent : ils peuvent faire appel à moi autant de fois qu’ils le souhaitent, en contrepartie d’une forme d’ « abonnement » mensualisé. Ce système instaure une relation de confiance à long terme. L’éleveur est déjà très entouré aujourd’hui, mais le vétérinaire doit redevenir son interlocuteur principal et privilégié pour toutes les questions relatives à la santé. À condition que le vétérinaire soit aussi bien informé que l’éleveur sur la situation des animaux, on en revient à l’importance pour nous d’accéder aux données.

Bien entendu, tous les vétérinaires n’ont pas le même avis que moi. Je sais que certains confrères se questionnent sur la viabilité de la contractualisation, notamment si l’éleveur appelle tous les jours. Mais s’il appelle tous les jours pendant un mois, c’est que je fais mal mon boulot (rires) ! Globalement, ça se passe très bien. Personnellement, je trouve que nous en retirons des bénéfices essentiels à notre métier : une plus grande confiance avec l’éleveur et un meilleur suivi de l’animal.

 


« L’uniformisation de la digitalisation du secteur permettrait aux vétérinaires de se rapprocher des éleveurs et d’évoluer sur le même plan qu’eux »


 

QUESTION

Selon vous, quelle place tiendra la digitalisation auprès de la jeune génération de vétérinaires ruraux ?

{ Olivier Tanghe } La digitalisation de notre métier est un véritable enjeu d’avenir, vers lequel nous tendons inévitablement. Elle est importante dans le sens où un accès simplifié aux données rassurerait les jeunes et relancerait à coup sûr l’attractivité du métier ! Moi j’ai appris sur le tas, mais je ne doute pas qu’avoir les commémoratifs en amont de toute consultation aurait été une aide précieuse dans la pratique de mon métier… D’autant que la marche est plus haute pour les vétérinaires ruraux qui s’installent aujourd’hui, avec la transformation digitale avancée de la filière élevage. Ils sont peut-être mieux armés que nous à l’époque, mais ils sont aussi face à des éleveurs beaucoup plus diplômés qu’avant. L’uniformisation de la digitalisation dans le secteur permettrait aux vétérinaires de se rapprocher des éleveurs et d’évoluer sur le même plan.

 

 


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